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Éducation de l’ombre : un levier pour le soutien aux élèves mais de nombreux défis à relever

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Communiqué de presse - avril 2021

Texte

Le 15 avril 2021, la Conférence des ministres de l’Éducation de la Francophonie (CONFEMEN), France Éducation international et la Direction du Rapport mondial de suivi sur l’éducation (GEM) de l’UNESCO, ont organisé une conférence numérique de présentation de l’ouvrage du professeur Mark Bray intitulé : « L’éducation de l’ombre en Afrique : Implications politiques du soutien scolaire privé ». Le concept de l’éducation de l'ombre fait allusion au système de soutien privé complémentaire regroupant deux principales catégories d’acteurs : les enseignants qui proposent des cours de soutien à temps partiel pour obtenir des revenus supplémentaires et les entreprises de soutien scolaire opérant sur une base commerciale.

Cette conférence à laquelle ont participé des ministres de l’Éducation et représentants d’États et gouvernements membres de la CONFEMEN ainsi que des partenaires institutionnels, a permis au professeur Bray de mettre en évidence des problématiques importantes et des défis auxquels les politiques éducatives sont confrontées dans la prise en charge de l’éducation de l’ombre. L’auteur a introduit sa présentation en citant quelques variations lexicales de l’éducation de l’ombre, notamment « le soutien scolaire », « le tutorat privé », « les cours supplémentaires », « l’éducation parallèle » et « l’accompagnement ». Pour lui, lorsque le curriculum évolue dans les écoles, il évolue également dans l’ombre, et au fur et à mesure que le système scolaire grandit, le système de l’ombre aussi évolue.

De l’exposé de Mark Bray, il est ressorti que l’éducation de l’ombre, en favorisant l’apprentissage, contribue à la réalisation de l’ODD4 et que les entreprises de soutien scolaire bien organisées jouent un rôle important dans le développement socio-économique des pays. Toutefois, pour lui, l’éducation de l’ombre soulève également d’importantes questions en termes d’inégalités sociales, d’éthique, d’efficacité ou d’inefficacité des systèmes éducatifs. Pour la question spécifique d’inégalité, on peut constater que les familles aisées ou à revenu intermédiaire peuvent investir dans un soutien scolaire plus important et de meilleure qualité que les familles à revenu modeste. Dans ce cas, l’éducation de l’ombre devient un vecteur important de maintien et de renforcement des inégalités sociales.

Parmi les solutions pour améliorer l’impact de l’éducation de l’ombre, figure la réglementation. L’exposé laisse voir que contrairement à l’Asie, par exemple, la réglementation des entreprises n’est pas une priorité importante en Afrique, un continent qui fait face à de nombreuses priorités dans le domaine de l’éducation. Pour Mark Bray, une attention particulière doit être donnée aux réglementations concernant aussi bien les entreprises de soutien scolaire que les enseignants dispensant des cours de soutien privés complémentaires. Toutefois, a-t-il conseillé, ces réglementations doivent être à la fois raisonnables et applicables.

Dans leurs mots introductifs aux échanges, le Secrétaire général de la CONFEMEN, Professeur Abdel Rahamane Baba-Moussa, le Directeur général de France Éducation international, M. Pierre-François Mourier, la présidente du Groupe de travail des Correspondants nationaux de la CONFEMEN, Mme Sophie Lacroix et le Directeur du Rapport mondial de suivi de l’Éducation, M. Manos Antoninis, ont fait des commentaires. Ils ont tous reconnu la qualité du travail du professeur Bray qui apporte de nouvelles perspectives et pistes de réflexion permettant d’accompagner les ministères de l’éducation à prendre en charge cette problématique importante pour le développement des systèmes d’éducation, particulièrement en Afrique.

La contribution de la CONFEMEN en tant qu’instrument de dialogue politique

Le Secrétaire général de la CONFEMEN a souligné quelques enseignements de cet ouvrage. Premièrement, l’éducation de l’ombre constitue un levier de soutien scolaire et pour la performance des élèves. Deuxièmement, ce modèle d’éducation bien connu, est cependant peu documenté en Afrique. Troisièmement, la faiblesse des résultats académiques, des infrastructures, du financement et du suivi de l’éducation crée un contexte propice à l’émergence de l’éducation de l’ombre comme alternative mais ce mode d’éducation renforce les inégalités d’accessibilité, de qualité, de performance et d’efficacité ainsi que les questions d’éthique en éducation ; ce qui suscite l’interrogation sur le projet de société qui sous-tend l’éducation. Le Secrétaire général invite les pays de la Francophonie à implanter des dispositifs de suivi et évaluation des curricula et de l’impact de l’éducation de l’ombre sur les acquis scolaires mais au-delà, à inscrire les politiques et réformes de l’éducation dans une approche holistique qui tienne compte autant des « logiques plurielles » de scolarisation que des « passerelles » entre l’école et les lieux et formes d’apprentissage (notamment l’éducation non formelle) dont regorgent les sociétés africaines.

Ces préoccupations sont partagées par le Directeur général de France Éducation international, qui les regroupe en trois questions essentielles. D’abord, la question de régulation qui est primordiale et qui est du ressort des pouvoirs publics, dans le sens d’encadrement pour un meilleur impact de l’éducation de l’ombre. Ensuite, pour faire face aux défis que posent ces modèles d’éducation, quelles améliorations apporter aux systèmes éducatifs pour équilibrer le recours à l’éducation de l’ombre ? Enfin, comment prendre en charge la question de l’équité qui est au cœur de l’ODD4 avec le principe de la gratuité de l’enseignement primaire. Le Directeur général a donné des pistes de réflexion qui permettent d’apporter des réponses aux questions soulevées tout en mettant en évidence la prise en compte de la question de la langue qui sera d’ailleurs au cœur des discussions de la 59e session ministérielle de la CONFEMEN portant sur « Langues premières et langues d’enseignement : quelles stratégies pour réussir les premiers apprentissages, la réussite scolaire et le vivre ensemble au XXIe siècle ? ».

Le Directeur du rapport mondial de suivi de l’éducation (GEM) a communiqué le thème du prochain rapport mondial qui portera sur « le Rôle des acteurs non étatiques de l’éducation ». Pour lui, les frontières entre les acteurs étatiques et non étatiques sont souvent floues et ne doivent pas être réduites uniquement en termes d’écoles publiques et privées, bien au contraire, il existe plusieurs autres dimensions. Le Directeur du rapport GEM a souligné le rôle que pourrait jouer la CONFEMEN dans la discussion sur les analyses et les recommandations sur les questions politiques liées aux acteurs non étatiques, en ce sens que la CONFEMEN présente deux avantages majeurs : son lien avec les États et gouvernements de la Francophonie pour assurer le dialogue politique et le rôle de ses deux programmes, le PASEC et l’Observatoire de la qualité de l’Éducation dans le pilotage de la qualité. Pour lui, les données du PASEC sont des éléments clés pour les nouvelles séries des rapports régionaux sur l’achèvement de l’éducation de base universelle et l’apprentissage fondamental en Afrique.

Partenariat et échange d’expériences pour des solutions efficaces

La conférence sur l’éducation de l’ombre a été un moment important d’échange d’expériences à travers la communication des ministres de l’Éducation ou leurs représentants ainsi que celle des partenaires notamment M. David Atchoarena, Directeur de l’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie (UIL), Dr Koumba Boly Barry, Cheffe du Secteur de l’Éducation de l’ICESCO et Mme Mona Laroussi, Directrice de l’IFEF. De la présentation faite par les pays et les partenaires et de la synthèse effectuée par le modérateur et grand témoin, M. Alioune Sall, Directeur exécutif de l’Institut des futurs africains, des pistes de réflexion et d’action ont été soulignées :

  • L’accroissement des ressources aussi bien endogènes qu’exogènes allouées à l’éducation.
  • L’amélioration de la qualité de l’enseignement pour éviter l’expression des besoins de soutien scolaire en dehors de l’école.
  • Le recrutement d’enseignants en qualité et en quantité et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail afin qu’ils ne se sentent pas obligés de recourir aux activités de soutien scolaire qui impactent leur principal emploi.
  • La réglementation par les pouvoirs publics du secteur privé de l’éducation et des autres modèles d’éducation de l’ombre afin de protéger ceux qui utilisent ces services.
  • La prise de dispositions pour l’application effective de la règlementation tout en privilégiant le dialogue au détriment de la répression.
  • La prise en compte, avant tout, des projets de société que nous voulons construire comme base de réflexion et d’action.
  • L’établissement de mécanismes de partage d’expériences et de bonnes pratiques dans le domaine de la gestion de l’éducation de l’ombre.
  • La prise en compte de la vision holistique de l’éducation et de la dimension intersectorielle pour des décisions adaptées et durables.

Ces pistes de réflexion contribuent à faire en sorte que l’éducation de l’ombre ne soit pas un facteur d’amplification des inégalités dans le contexte de mise en œuvre de l’ODD4 avec ses principes d’accès, de qualité, d’égalité, d’équité et d’apprentissage. Cette conférence est la première d’une série dont la prochaine concernera les acteurs de la société civile.


Contacts Presse

Confemen

Aboubacar SY (Dakar)

Email : abousy@confemen.org

France Éducation international

Charlotte GABET

Direction du rapport mondial de suivi de l’éducation

Kate REDMAN

Email : k.redman@unesco.org