Gustave Monod - Une nouvelle idée de l'école

Une certaine idée de l’école 90 Gustave Monod Éveiller l’intelligence – septembre 1950 « On ne peut pas éveiller une intelligence, l’exercer, la mobiliser sans que la sensibilité soit en jeu. Bien plus, cette activité de la pensée sera d’autant plus intense et d’autant plus efficace qu’elle s’exercera vers les fins qui émeuvent le sujet et provoquent son intérêt. A force d’inattention, on risque de manquer des destinées humaines et de laisser des talents enfouis. La pédagogie de l’orientation a précisément pour tâche d’inventorier ces richesses et souvent de les révéler à celui qui les porte. » 77 La culture – novembre 1950 «La culture naît d’une méthode et non d’un enseignement ; elle comporte certes acquisition, mais acquisition active, prise de possession par conquête… Elle naît d’événements intérieurs, de réactions personnelles par lesquelles l’acquis est assimilé, intégré, au moi. C’est alors un élargissement de l’horizon, une conscience qui s’épanouit et renouvelle sa vision du monde avec ce qu’elle sait du passé et du présent. » 78 Les grands chocs – novembre 1950 « […] je sais très bien d’où est venue la secousse initiale : j’étais un petit lycéen du lycée de Pau, en rhétorique, je crois, et le vendredi à 4 heures, il y avait au Palais d’Hiver, des « Concerts Classiques ». Un vieux chef d’orchestre, qui ressemblait à Wotan, nous initiait à Wagner. Or, voici qu’un jour (j’avais 16 ans), l’orchestre joua la « Mort d’Yseult » : stupeur, aliénation, choc intérieur que je ressens encore […] C’est pourquoi, multipliez pour vos enfants les rencontres, les chocs avec de grandes œuvres, dans les classes, les musées, les voyages. Vous ne saurez jamais quand viendra le moment. Mais vous le provoquerez…»79 Apprendre à lire le journal – juin 1960 « J’évoque ce mot de Paul Langevin devant un horaire d’enseignement qu’il trouvait trop chargé : « Quand aurons-nous le temps d’apprendre à ces enfants à lire leur journal ? » Apprendre à lire son journal, avec tout ce que cela suppose, et tout ce qu’il peut s’ensuivre, voilà une des raisons, et il y en a bien d’autres, pour lesquelles Paul Langevin demandait une plus longue présence à l’école car il faut certainement moins de temps pour former un technicien, ou pour initier à la science, que pour forger un homme. » 80 Forger un esprit libre – été 1965 « Comment instruire, donc élever un enfant ? Non pas pour qu’il devienne le serviteur d’un parti, mais pour en faire ce citoyen français qui […] serait capable de « lire son journal quotidien ». Savoir lire son journal quotidien, c'est-à-dire être informé par lui, mais non embrigadé ; c’est savoir discerner le commentaire tendancieux de la nouvelle authentique ; c’est rester un esprit libre que ni le rang social ni la profession ne peuvent domestiquer. Il faut insister sur ce point : l’instruction – et singulièrement celle qui est donnée dans ce qu’on appelait le second degré – n’a pas tant pour objet de préparer à la vie, au sens pratique du mot, que d’aider l’individu à dégager l’homme qui est lui. La vraie réforme est là ; elle est dans la refonte de la notion d’État : l’État doit viser à fonder une société d’hommes libres. » 81 77 Louis Cros (dir.), Un pionnier en éducation : Gustave Monod - les classes nouvelles de la Libération, hommage collectif rendu par Georges Canguilhem, Jean Delannoy, Jean Ferrez, Louis François [etc], Comité universitaire d’information pédagogique, Paris, CUIPCEMEA, 1981, pp. 59-60 78 Idem, p. 56 79 Idem, p. 61 80 Idem, p. 67 81 Idem, pp. 75-76

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