Gustave Monod - Une nouvelle idée de l'école

Une certaine idée de l’école Il est des hommes qui passent dans leur temps sans le comprendre. Il en est qui le comprennent, sans vouloir s’y engager. Il en est enfin qui le comprennent et s’y engagent, en une forme singulière de sécularisation fondée sur une conscience de soi, des autres et du monde. Gustave Monod est de ceux-là. Issu d’une famille où la culture, la lecture, l’élan spirituel ne font qu’un, il a été, d’un bout à l’autre de sa longue vie, un philosophe engagé. Adossé à un héritage immatériel d’une élévation d’esprit peu commune, convaincu que « … le bonheur ne réside pas dans la liberté, mais dans l’accomplissement d’un devoir », pratiquant dans chacune de ses missions et chacune de ses fonctions publiques le libre exercice de l’intelligence responsable, il aura été un exemple pour beaucoup. Surtout, il ne se sera jamais trompé dans l’exercice, périlleux entre tous, de l’engagement. Il n’a pas trente ans lorsqu’il s’engage pour servir sa patrie. Simple soldat, il sert dans l’infanterie. La « reine des batailles » ! C’est en fait un long et lent calvaire de quatre années. En première ligne, dans un des régiments les plus meurtris de toute la Grande guerre. Il sert, simple et solide. Il souffre. Il comprend. Son engagement au service de l’école est de la même trempe. Il aura enseigné pendant vingt ans. Tous, Inspecteurs généraux, collègues, élèves en attestent : ce n’est pas un enseignant comme les autres. Rigoureux jusque dans l’expression d’une forme de passion froide pour la philosophie, distant à l’égard des modes, attentif à l’éducation au moins autant qu’à l’instruction, Gustave Monod est un maître. De ceux dont on se souvient. De ceux que l’on suit. Son engagement de haut fonctionnaire est de la même veine. Arrivé jusqu’au plus haut niveau des responsabilités, celles-là où s’estompe la division entre le politique et l’administratif, là où la décision se prend, il fait preuve de la même rigueur, de la même détermination, de la même indépendance d’esprit, dans la fidélité à ce qu’il croit juste pour les élèves et pour son temps. Au moment du Front populaire et dans l’immédiat après-guerre, il est là quand tout se joue. S’il ne réussit pas toujours à ce que ses idées soient appliquées dans la durée, il participe à une remise en mouvement du système éducatif français qui fera date. Il a compris, plus tôt et plus que d’autres, qu’il faut apprendre ce qui dure pour comprendre ce qui change. Son engagement politique se situe dans la même ligne. Militant antifasciste de la première heure, il refuse d’être un rouage dans la machine que le régime de Vichy met en place, au cours des froides journées de novembre 1940, anticipant une politique de persécution des Juifs que l’occupant ne lui a même pas imposée, ni suggérée. Les arguments qu’il évoque reposent sur un socle de convictions humanistes qu’une défaite militaire ne suffit pas à affadir. Elles resteront intactes pendant toute l’Occupation, au cours de sa résistance, parce que lui aussi est une figure de « l’illustre acharnement à n’être pas vaincu». Gustave Monod 5

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