Gustave Monod - Une nouvelle idée de l'école

Une certaine idée de l’école 58 Gustave Monod Gustave Monod est ainsi démis de son grade d'inspecteur de l’Académie de Paris pour avoir refusé d'appliquer les mesures anti-juives. Plutôt que d’accepter cette situation et de servir dans des conditions contraires à ses idées, Gustave Monod demande sa mise à la retraite. Finalement, Gustave Monod est traité au même titre que ceux qui répondent aux critères de la circulaire du 21 octobre 1940 et en subissent les conséquences, ceux là-mêmes dont Carcopino a apostillé et transmis au plus vite les dossiers à Vichy et qui entraient dans la catégorie « …des clauses de sauvegarde contenues dans la loi : les admissions à la retraite, avec pension, pour les fonctionnaires qui ne seraient ni réinvestis ni parallèlement casés, et, pour les autres, les reclassements compensateurs et les réintégrations plénières que la loi n’avait pas osé désigner par leur nom et qu’elle appelait du terme péjorativement voilé, de « relèvement de déchéance ». 39 En effet, Jérôme Carcopino a été, comme recteur, le bras exécutif de l’épuration menée par le gouvernement de Vichy au sein du ministère de l’Instruction publique. Il a, comme ministre, aggravé les lois d’exclusion et utilisé son pouvoir discrétionnaire. Il a défendu l’institution avant les hommes. En tant que haut fonctionnaire, il a utilisé la loi du 17 juillet 1940 – réservant les emplois publics aux Français nés de pères français et autorisant les relèvements de fonction pour tous les agents de la fonction publique, sur le seul rapport du ministre, sans justification – dans l’Académie de Paris « comme moyen de se débarrasser des fonctionnaires faillibles et inefficaces ». 40 Marc Olivier Baruch a établi que le relèvement de fonction était un élément permanent de la politique de la fonction publique sous Vichy 41. Enfin, Claude Singer a démontré que la vague d’épuration avait atteint son apogée lors des vacances de Noël 1940 et au début de 1941 42. Le relèvement de fonction de Gustave Monod en fait partie. Le gouvernement de Vichy signifie cette mise à la retraite (arrêté du 30 juin 1941 à dater du 1er octobre 1941), officiellement « sur sa demande et pour ancienneté d’âge et de service », le 1er octobre 1941. Un texte de la même date lui confère le titre d’Inspecteur général honoraire de l’Instruction publique. Il est paraphé par Jérôme Carcopino, secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la jeunesse. Jean Zay, qu’il avait bien servi, avait déploré « …le manque de caractère dont ont fait preuve tant de hauts fonctionnaires républicains depuis juin 1940, la facilité avec laquelle ils ont subi les nouveaux maîtres, assumé sans révolte de conscience toutes les besognes qu’on leur imposait ». 43 Il n’était pas de ceux-là. C’est sans doute André Siegfried, qui connaissait GustaveMonod depuisMarseille et le lycéeThiers, qui définissait le mieux le caractère de la résistance de ce dernier, lorsqu’il écrivit, après la guerre «Nous rencontrons (…) la résistance au pouvoir (…) jugé arbitraire ou abusif, car, par ailleurs, le protestant français (…) est imbu d’esprit civique. La société civile, comme la société religieuse, apparaît à ses yeux comme une communauté dans laquelle l’État n’est qu’un représentant de l’intérêt commun.(…) L’idée d’un pouvoir transcendant, comme celui du pape ou bien d’un État superposé à la communauté, est étrangère à cette conception. Il n’y a pas (…) de citoyen plus consciencieux, plus dévoué que le réformé (…). Mais attention, que l’État se transforme en bras séculier de l’intolérance, qu’il se fasse persécuteur, persécuteur de n’importe qui,alorslareligionprotestante prendun sens politique, celui de la défense de l’individu contre la tyrannie de l’État »44. 39 Jérôme Carcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944, Paris, Flammarion, ‘le Temps présent’, 1953, p. 248 40 Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino, un historien à Vichy, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 167 41 Marc-Olivier Baruch, Servir l’État français, l’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997, cité par Stéphanie Corcy-Debray, Jérôme Carcopino, un historien à Vichy, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 174

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQ2OTc0Mw==