Gustave Monod - Une nouvelle idée de l'école

Après l’éviction, par le Gouvernement, du recteur Roussy à la suite des manifestations d’étudiants du 11 novembre 1940, Gustave Monod expose plus clairement encore sa position au recteur qui vient d’être nommé par Vichy, Jérôme Carcopino. Treize ans après les faits, dans ses mémoires, Jérôme Carcopino dit se souvenir d’avoir dissuadé Gustave Monod «…d’entreprendre une démarche qui l’eût placé dans une position fausse à l’égard du ministre sans pouvoir modifier celle du ministre à l’égard de la loi » 36 et s’être engagé, alors, à intervenir auprès du secrétaire d’État chargé de l’Éducation nationale pour que Gustave Monod soit déchargé de ses fonctions. Gustave Monod est effectivement convoqué peu après par le secrétaire d’État Georges Ripert. Jean-Pierre Monod témoigne : « Quelques jours plus tard, mon père est convoqué par le ministre Ripert de passage à Paris. L’entretien fut orageux, Georges Ripert ayant demandé à mon père s’il était juif. Mon père fut alors dégradé de son poste d’inspecteur de l’Académie de Paris et nommé professeur de philosophie au lycée de Versailles, fonction provisoire avant sa mise à la retraite anticipée par le triste Ripert. Il avait alors 56 ans. » 37 En novembre 1940, au moment où l’épuration dans l’enseignement suscite plus de conformisme administratif que d’actes d’héroïsme, quelques hommes réagissent, comme Gustave Monod qui refuse de rester à un poste où il avait à participer à la mise en application du statut des juifs. Il a choisi son camp. Il subit la sanction de Vichy. Il se voit dans l’obligation de quitter le corps des inspecteurs de l’Instruction publique. Il est rétrogradé au rang de professeur. D’abord nommé au lycée de Versailles (arrêté du 12 décembre 1940 pour effet en date du 12 mars 1941), il est ensuite nommé à titre provisoire (arrêté du 30 janvier 1941 pour effet en date du 14 mars 1941) au Lycée Henri-IV, où il exerce de mars à septembre 1941. Lettre de Gustave Monod au nouveau recteur de l’Académie de Paris, Jérôme Carcopino, le 23 novembre 1940 Une certaine idée de l’école 54 Gustave Monod 36 Jérôme Carcopino, Souvenirs de sept ans, 1937-1944, Paris, Flammarion, ‘le Temps présent’, 1953, p. 248 37 Idem, Jean-Pierre Monod, lettre du 14 janvier 2008 38 Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, Paris, Société d’édition les Belles Lettres, 1992, p. 101 et p. 192 Arrêté du 12 décembre 1940 Art 1 : M. Monod, inspecteur de l’Académie de Paris, est nommé professeur titulaire agrégé de philosophie au lycée deVersailles (chaire vacante). Art 2 : Le Directeur de l’Enseignement secondaire est chargé de l’exécution du présent arrêté qui aura effet en date du 12 mars 1941. Le Secrétaire d’État à l’Instruction publique, G. Ripert. « Vous savez (…) que je n’adhère ni au statut des juifs, ni au statut des fils d’étrangers, ni à l’épuration que paraît exiger une récente circulaire. S’il s’agit de contrainte allemande, nous avons évidemment tous à nous soumettre et à prendre notre part respective de l’humiliation commune ; et notre tâche de Français et d’administrateurs est d’essayer de composer avec cette contrainte de manière à la faire peser le moins lourdement possible sur le personnel. S’il s’agit au contraire d’un ordre nouveau, Français et universitaire, alors je ne dissimule ni mes réserves ni mes réticences. (…) A un moment où le gouvernement cherche à « épurer » le personnel, je ne voudrais pas bénéficier d’une exception du fait que je suis mutilé de guerre. » 38

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