Simulations globales

Simulations globales

Collection Créativité et communication globales I INVENTAIRE N° 1.ir 32.,l. CENTRE INTERNATIONAL D'ÉTUDES PÉDAGOGIQUES

ISBN 2-85420-340-2 Conception graphique • Polymago Directeur de la publication • Gilbert Léoutre Crédits photographiques • p. 30 (g.) Francis Yaiche, in : Photos Expressions, Francis Yaiche, Sèvres, © CIEP, 1990 • p. 30 (d.) Françoise Cochaud, in: op. cit . • p. 33, 110 Bruno Anais, in: « Paris mon amour .. , Télérama hors-série n° 18, © Télérama SA, 1987. © CIEP, juin 1995, réimpression juin 1997. Tous droits de reproduction réservés sauf autorisation à demander au CIEP.

SOMMAIRE Avant propos Introduction Démarche méthodologique 1. Planter le décor 2. Habiter le décor 3. Meubler le décor 4. Choisir une chronologie 5. Fournir des informations 6. Proposer des techniques de recherches d'idées 7. Fixer des objectifs 8. Laisser des traces 9. Grammaire 1O. Évaluation Réalisation de stages Le village L'autocar Rencontres La commémoration Travaux d'élèves L'immeuble lies. Le camping. 5 7 25 27 35 39 47 51 55 61 63 65 67 71 73 85 99 105 121 123 167 179

5 AVANT PROPOS Onze ans après la première parution de Simulations globales, la présente réédition fournit aux auteurs, Francis Debyser et JeanMarc Caré, l'occasion de nous livrer leurs réflexions sur ce qui fait l'originalité et le succès de cette méthodologie. La pédagogie de la simulation pour l'enseignement des langues Les premières simulations globales, L'immeuble, lies, Le Village ont toutes été expérimentées à l'origine dans les stages d'été du BELC, entre 1974 et 1980. A l'époque, elles étaient présentées comme une pédagogie alternative aux manuels que les éditeurs s'efforçaient, parfois avec un certain succès, de rajeunir, en les présentant comme des méthodes dites communicatives, c'est-àdire destinées à permettre aux élèves de communiquer de façon autonome, en langue étrangère et non pas seulement à leur faire apprendre par cœur des règles, des structures, ou même la phraséologie permettant de réaliser des « actes de parole ». Ces simulations ont en commun de proposer à un groupe-classe, pouvant même dépasser 30 élèves et sur une durée de 20 à 100 heures, un projet, hors manuel, de création collective dans la langue étudiée. La réalisation d'un tel projet met en jeu acquisitions linguistiques, utilisation de documents authentiques, imagination, jeux de rôles, pratiques de communication orales et écrites, rédaction et même création littéraire. Elle prévoit pour cela des travaux individuels et de groupe : ces apports sont rassemblés dans une création collective dont chacun des participants gardera un exemplaire d'auteur. C'est en raison de cette visée d'apprentissage utilisant toutes les fonctions du langage, y compris la fonction « plaisir », que l'on a qualifié cette méthodologie de « simulation globale ». Accueillies avec sympathie, parfois avec enthousiasme, les simulations globales ont depuis progressé ; expérimentées auprès de publics très divers - débutants ou avancés -, présentées à des groupes réunis en apprentissage

l 6 intensif ou utilisées dans un enseignement extensif de type scolaire, les simulations globales ont décidément fait leurs preuves. On s'aperçoit qu'elles peuvent être aussi utiles pour le développement d'une compétence linguistique ou communicative générale qu'en vue d'une compétence spécialisée en milieu professionnel. Une deuxième génération de· simulations globales est en effet sur le point d'être publiée, L'Hôtel pour les élèves des instituts de tourisme et les écoles hôtelières, La Conférence internationale pour les diplomates et les étudiants désireux de se former à l'utilisation du français dans les relations internationales, L'Entreprise pour ceux qu'intéresse le français des affaires. Cette nouvelle série nous a convaincu.s que l'atout majeur des simulations globales n'est pas seulement, comme on a pu le croire, de recourir à la créativité, pour le plaisir des élèves, mais d'être un des meilleurs instruments pour un apprentissage sérieux et efficace. Francis Debyser

7 INTRODUCTION Inventer pour apprendre Les origines du concept de globalité Au début des années 1970, presque simultanément, Allan Maley, dénonçant l'illusion de la réalité, proposait, en opérant une inversion radicale, de réfléchir à la réalité de l'illusion et Francis Debyser préconisait le recours plus systématique aux techniques de simulation, tout en reconnaissant d'ailleurs que les dialogues des méthodes SGAV1 constituaient déjà une tentative, même timide et parfois peu plausible, d'imitation de la réalité. Langue et réalité Il faut bien reconnaître que, jusque là, on s'était épuisé à faire passer en forçant un peu, soit directement (méthodes directes), soit par l'image (méthode audio-visuelle) une réalité peu compatible avec l'étroitesse de la salle de classe et le véritable statut de l'image. Il était temps probablement de constater deux choses : - qu'un enfant de 10 à 12 ans avait réalisé une grande partie de son expérience personnelle du monde en acquérant sa langue maternelle ; - que l'apprentissage d'une deuxième langue risquait donc, si l'on n'y prenait garde, de doubler cette expérience, en fait, de la traduire de manière souvent redondante dans une autre langue, qu'elle soit seconde ou étrangère. A partir de là, les enseignants allaient recourir progressivement à des techniques venues d'ailleurs, déjà éprouvées dans de nombreux domaines de la recherche scientifique et technologique : les techniques de simulation. Les débuts furent plutôt timides. A la suite des dialogues de manuels, on simula d'abord de petites séquences de communication de la vie de tous les jours, de courtes tranches de vie qui, mises bout à bout donnaient de la réalité une impression discontinue, parfois incohérente. C'était l'époque où, pour des raisons souvent grammaticales, l'on passait allègrement d'un anniversaire à un accident de voiture. Ces imitations partielles et incomplètes d'une réalité au service de la langue prirent le nom de jeu de rôles, en référence à l'anglais rote playing plutôt qu'au jeu de rôle morénien2 qui, par le biais du psychodrame, affichait des objectifs plus analytiques et thérapeutiques que pédagogiques. · 1 Méthodes SGAV : méthodes structuro-globales audio-visuelles. 2 Cf. Moreno 1975. ·

8 Jeux de rôles Ces jeux de rôles sont aujourd'hui les passages obligés de tous les manuels. Malheureusement, les conditions dans lesquelles ils sont pratiqués, leur place dans l'unité didactique, leur conception même, font qu'ils relèvent plus de l'expression dramatique, de la mise en scène de courtes saynètes, que de la simulation d'une réalité donnée. Avec des consignes comme : "Vous êtes Jacques, vous êtes Françoise, vous attendez Pierre à la gare. Le train arrive, mais pas de Pierre... Allez-y, jouez ! ", on peut se demander si l'on a vraiment progressé par rapport au cinquième moment de la classe de langue qui privilégiait la transposition, la réutilisation de tous les acquis linguistiques antérieurs, au détriment de l'improvisation et de l'invention. Comme si l'approche communicative, modèle mou par excellence, s'était progressivement laissé reconquérir par l'approche précédente. Globalité Nous en étions là de notre réflexion, à la fin des années 1970. li fallait donc aller plus loin encore pour contrer cette rémanence tenace. La solution passait par le concept de globalité. Simuler la réalité ne pouvait manifestement plus se faire par bribes, par juxtaposition de séquences courtes et autonomes. Il fallait, semble-t-il, que l'apprentissage de la langue seconde ou étrangère se fasse, à l'image de celui de la langue maternelle, par référence à l'expérience du monde et à sa construction progressive. Il fallait done réinventer, en quelque sorte, le monde. La centration sur l'apprenant restait illusoire, tant que nous étions condamnés à lui imposer, sous prétexte de logique et de progression linguistique, l'apprentissage en langue étrangère d'un monde qu'il connaissait déjà en langue maternelle. La véritable centration consistait alors à faire de l'apprenant un créateur, un inventeur de mondes. Simuler, ce n'était plus seulement faire comme si, imiter, reproduire à l'identique, c'était aussi inventer. A la fin des années 1970, Francis Debyser affirmait cette nécessité nouvelle en concevant L'immeuble, un roman simulation en 66 exercices3 . La voie était toute tracée. D'autres simulations globales (SG) allaient voir le jour. Le concept de globalité Inventer, c'est toujours appréhender une réalité donnée, un pan de réalité, dans sa totalité. Il y a, dans la notion de globalité quelque chose de totalisateur, voire d'un peu démiurgique : la volonté de ne plus séparer, de ne plus diviser. Une simulation dite globale doit donc afficher dès le départ un continuum spatiotemporel minimal. Celui-ci passe par trois grandes étapes : on invente un décor, des personnages, on suscite des événements. Sans ce programme minimal d'invention, on peut encore simuler, mais beaucoup moins globalement. Dans ces simulations partielles, parfois ludiques Ueux de guerre, jeux d'entreprise, jeux urbains, jeux de rôles... ) décors et personnages sont le plus 3 Debyser 1986.

9 souvent préconstruits et imposés et les joueurs doivent endosser des rôles d'emprunt et réagir àdes événements déjà programmés. Elles sont centrées sur une conception plutôt environnementaliste de l'apprentissage : on interagit dans un milieu imposé pour apprendre à développer des comportements attendus. Pour fonctionner, le modèle ne peut laisser que très peu de place à l'imprévu, à l'imaginaire, puisqu'il doit pouvoir évaluer de bons ou de mauvais comportements. C'est donc en redonnant à l'apprenant l'initiative de la conception du modèle lui-même que l'on peut dépasser cette interprétation, somme toute assez behavioriste, de la simulation. Inventer le décor Architectural comme dans L'immeuble ou Le Cirque4 ou géographique comme dans //es5 ou Le Village6 , le décor appartient dès le départ au groupe des apprenants, à la classe tout entière. Ensemble, ils se l'approprient en l'inventant. Architectes, ils bâtissent l'immeuble ; géographes, ils créent le cadre naturel, le paysage du village. Ainsi, la plupart des SG passent --par cette prise de possession d'un morceau de monde, d'un peu d'espace : un terrain pour L'immeuble, quelques kilomètres carrés pour Le Village. Cet espace est alors appréhendé comme un pan entier de réalité et exploré dans sa totalité, à la manière des minutieuses investigations de Georges Perec. Il faut donc qu'il soit suffisamment restreint et facilement délimitable. On choisira un immeuble ou un village plutôt qu'un quartier ou une ville. L'invention d'un espace passe par sa description. Très tôt donc, nos élèves vont devoir décrire une partie du monde. Cette pratique discursive de la description repose sur des opérations linguistiques relativement simples, dont certaines sont accessibles en début d'apprentissage. Nous reviendrons plus loin sur ce constat. Pour décrire, il faut identifier, nommer les éléments constitutifs du monde (c'est une rivière, il y a un lac). Il faut ensuite les localiser (à l'ouest, il y a des montagnes), puis les quantifier (il y a beaucoup de forêts) pour enfin les qualifier (il y a une très grande plaine). "C'est une maison de quatre étages : le dernier étage est mansardé ; au rezde-chaussée à droite, un magasin. Sur le mur de droite, une grande publicité peinte à même la pierre, il y a trente ans. L'immeuble est assez ancien ... " On pourra revenir plus tard sur ce premier état du monde, poursuivre, préciser, affiner progressivement la description, en changeant d'ailleurs de point de vue. D'une simple vision géographique plane du paysage, on passera à une vision picturale à trois dimensions, puis à une vision poétique où se combineront tous les ingrédients perceptifs: bruits, odeurs, etc. La description, qui peut coïncider avec le tout début de l'invention, n'est donc qu'un premier état d'appropriation du monde. Elle pourra être constamment reprise et développée 4 Caré/Barreiro 1986. 5 Caré 1980. 6 Le Village n'est pas encore paru dans sa forme éditoriale définitive. On pourra prendre connaissance de sa conception générale en consultant l'article de Caré (1993).

10 sous forme d'apprentissage cumulatif : les mêmes formes, le même lexique pouvant être réutilisés, comme en écho, dans des contextes et avec un sens différents. Inventer les personnages Un exemple de cette possible reprogrammation des formes nous est donné très vite avec l'étape suivante : les personnages. Si nous voulons aider nos élèves à inventer pour certains de leurs personnages des patronymes bien français, il faut leur en faire découvrir la composition. On s'aperçoit alors que beaucoup de ces noms ont été formés à partir des caractéristiques géographiques déjà utilisées pour inventer le paysage. On s'appelait à l'origine Dulac, Deschamps, Desprez, Laforêt, Dubois ou Dupont... Tout ce vocabulaire est donc réutilisé pour, cette fois, donner une identité administrative aux personnages. On reverra, par la même occasion, la morphologie de l'article : du, de la, des... L'identification des personnages se fait en trois temps : l'identification administrative, l'identification biographique et le portrait, permettant d'introduire ainsi une deuxième grande opération discursive : le récit, ici le récit de vie. A l'occasion du travail sur l'identité administrative on peut, si la recherche de réalisme et de plausibilité l'exige, orienter, canaliser l'imaginaire des élèves. Des contraintes initiales d'invention sont alors. utilisées, par tirage au sort: dans L'Immeuble, par exemple, les tranches d'âges, la nationalité et les catégories socio-professionnelles des habitants. Si l'on veut faire imaginer un petit village français réaliste, ancré dans une région particulière, la classe devient l'échantillon représentatif d'une population de 500 à 2000 habitants. Il faut alors diversifier les tranches d'âges en tenant compte de l'évolution de la pyramide en milieu rural (exode des plus jeunes) et de l'espérance de vie des hommes et des femmes. Il faut aussi gérer les nationalités (étrangers et français d'origine étrangère), les catégories socio-professionnelles. Certaines professions sont proposées par tirage au sort: agriculteur, marin, instituteur, etc. Le travail biographique est important. Les personnages qui entrent en scène au moment où commence la SG doivent avoir un passé. On imagine alors pour chacun d'entre eux un court récit de vie retraçant les grandes étapes de leur vie scolaire, professionnelle, affective. Ce retour en arrière permet de donner plus d'épaisseur psycho-sociologique aux personnages, donnant ainsi très tôt une dimension romanesque à la fiction en train de se construire. La dernière phase est l'occasion de la mise en place des tout premiers jeux de rôles. Romanciers, les élèves ont, jusque là, tiré toutes les ficelles en inventant décor et personnages. En endossant les rôles de leurs personnages, ils deviennent acteurs. Au village, le facteur fait sa tournée ; on recense la population (en France, tous les quatre ans) ; un étranger arrive au village : il interroge, on le renseigne ; un habitant devient amnésique, on l'aide à retrouver son identité, etc. Dans l'immeuble, les gens se rencontrent, échangent des civilités ou des nouvelles, se rendent des services, se réunissent, mais parfois, se plaignent, disent du mal les uns des autres, se jalousent.

Susciter l'événement Le décor est planté. Les personnages l'habitent. Il est temps que cet univers s'anime. L'invention de rumeurs ou de ragots a un fort pouvoir déclencheur. Elle peut être à l'origine d'un grand nombre d'événements ultérieurs. Que font en effet les autres, que disent-ils, que pensent-ils, que dit-on d'eux ? On dit que le boucher parle à la viande... eh oui, il n'a pas supporté la brutale disparition de sa femme. Mais le vigneron ne met pas d'eau dans son vin (ou alors, métaphoriquement), par contre il met parfois un peu trop de sucre... On dit que, on raconte que, X pense que... autant d'occasions de créer des micro-événements, de petits bouts d'histoires individuelles qui, rassemblés, feront la petite histoire. Car Le Village, c'est aussi une communauté, une collectivité rurale avec ses problèmes de gestion et d'organisation. Des groupes d'intérêt ou de pression se constituent ; des projets émergent, parfois complémentaires, parfois opposés. Trois types de regroupements articulent cette dernière grande étape : les projets, les associations, l'organisation de manifestations locales. C'est donc là l'occasion de la constitution dans la classe de sous-groupes, mais aussi l'occasion de brassages entre eux pour éviter que se cristallisent et se figent les antagonismes. A l'origine d'un projet de construction de deux classes supplémentaires pour l'école, les mêmes élèves peuvent se retrouver dans des associations différentes. Dans L'immeuble, l'installation d'un ascenseur, le changement de propriétaire et donc de nature du magasin du rez-de-chaussée, la transformation d'un étage entier en bureaux sont aùtant d'événements qui impliquent des regroupements. Dans L'Iie, la découverte d'une présence insolite ou l'arrivée au large d'un bateau créent également l'événement, suscitant des réactions individuelles ou collectives. Cette dernière étape est essentielle. Elle associe plus étroitement personnages et décor. Celui-ci n'est plus alors une simple toile de fond, comme souvent dans les manuels. Il agit sur les personnages qui peuvent, alternativement, le subir ou le transformer. C'est aussi l'étape qui marque concrètement le point de départ d'un projet narratif susceptible de multiples développements et donnant ainsi à la SG sa véritable dimension. Ce programme d'invention en trois étapes fonde donc la globalité. En effet, il garantit: - un minimum d'exhaustivité : totalité de l'espace, biographie des personnages, globalité de l'invention : déeor et personnages ; - un minimum de continuité : continuum spatio-temporel : décor, personnages, événements, - un minimum d'intégration : activités d'invention et d'apprentissage sont intégrées au projet de création collective. On peut, on l'a vu précédemment, simuler plus partiellement en proposant une réalité toute faite et en préconstruisant les données qui la constituent. Ces simulations sont utiles et relativement complémentaires des études de cas quand il s'agit d'atteindre des objectifs fonctionnels particuliers. Plus adaptatives que réellement inventives, elles n'ont pourtant pas les mêmes visées pédagogiques que les SG.

12 De l'adaptation à l'invention Ces simulations présentent, à nos yeux, certaines faiblesses, voire certains dangers. Elles sont toujours partielles et, formant parfois à de strictes compétences de poste de travail, il leur arrive d'être partiales. C'est donc par le biais du concept de globalité que l'on va pouvoir passer progressivement de l'adaptation à l'invention. Simuler la totalité d'une réalité donnée, c'est aussi la possibilité de la réinventer, donc d'agir sur elle, c'est aller d'un comportementalisme qui privilégie le renforcement à une conception plus cognitiviste de l'apprentissage où il n'y a pas forcément de réponse attendue, mais plutôt une constante interaction entre l'organisme et le milieu, autorisant éventuellement le rejet de ce dernier ou sa transformation. Nous entrons résolument dans la civilisation de l'immatériel, de l'intangible, un monde de synthèse et de clones où nous risquons de vivre de plus en plus par procuration. Ne nous trompons pas, la simulation accompagne cette évolution et nous y prépare. Impossible pourtant de revenir en arrière. C'est donc le processus lui-même qu'il faut infléchir en allant plus loin encore, en y insufflant son antidote : la liberté de l'invention et l'impertinence de l'imaginaire. Pour que le débat n'échappe pas, une fois de plus, à la didactique des langues, il faudrait que l'on y réintroduise un peu plus de pédagogie, cet art d'accompagner tout apprentissage d'exigences éthiques et esthétiques. Dans tout projet pédagogique, il y a, bien sür, une part d'adaptation et une part d'invention. Nous voilà donc de nouveau en face d'un problème de dosage. Constatons simplement qu'à l'aube du XXlè siècle.l'équilibre est loin d'être atteint et qu'à coup de simulations de plus en plus sophistiquées mais aussi de plu~ en plus adaptatives, nous allons plus vite vers les mondes d'Orwell ou d'Huxley que vers l'abbaye de Thélème et le gai savoir. Dans un monde de plus en plus insaisissable, l'invention n'est déjà plus un luxe, c'est une nécessité. L'invention est collective La SG fait une large part à la pédagogie du projet, du groupe sur tâche, contribuant ainsi à l'émulation et à la complémentarité. Collective, l'invention nécessite sa propre régulation et sa gestion. Les grandes décisions se prennent, après sondage ou, s'il le faut, par vote. Les productions, sous leur forme écrite, sont corrigées, classées, archivées, reproduites. Tous les talents individuels se conjuguent ici et se complètent pour contribuer ainsi au développement du projet : écriture collective d'un roman, création d'un montage et d'un spectacle théâtral, exposition de travaux (affiches, photos, maquettes), échanges et correspondance, animation de rencontres, etc. En SG, l'invention n'est pas élitaire, elle a des effets secondaires bénéfiques sur la constitution du groupe-classe qu'elle soude, dans un projet commun. L'invention est contractuelle La SG invite à repenser les rapports maître/élève, probablement en les décentrant. Une centration trop exclusive, qu'elle porte sur l'enseignant ou !'enseigné, ne conviendrait pas ici. C'est plutôt en termes de partenariat qu'il faut

13 penser ce projet commun et l'on ne s'y engage pas sans contrat initial. La négociation devrait aborder : • La gestion du temps : compter un minimum de 150 heures pour une exploitation intensive et un développement exhaustif du canevas d'invention ; de 15 heures minimum à 60 heures environ pour une utilisation extensive des grandes étapes du canevas ; 70 à 80 heures pour une utilisation mixte, la simulation étant alors développée parallèlement à un manuel. • La détermination d'objectifs particuliers : toute SG peut déboucher sur une production finale : roman, spectacle, conférence de presse, etc. Il est souhaitable d'en négocier la forme et l'ambition avec les participants. Une SG peut aussi être associée à certains projets institutionnels quand ils s'inspirent de pédagogies actives, un projet d'établissement par exemple. • Le monde de réfërence : quel monde de référence choisir pour orienter et canaliser l'invention ? - Un environnement français ou francophone Ce choix suppose que l'on oriente l'imagination des élèves. Prendre cette décision au départ, puis, sous couvert de non-directivité, les laisser investir une réalité française sans se soucier de vraisemblance, c'est prendre le risque d'aboutir à la caricature et à l'absurde qui, on le sait, finissent toujours par démotiver. Il faut aussi choisir un type de paysage déterminé : littoral, plaine, bocage ou montagne. - Un environnement local Si l'on ne dispose pas de références françaises ou francophones, on peut aussi décider de construire, en français, un immeuble, un village, un hôtel, dans l'environnement immédiat des élèves. Ce choix, qui limite les risques d'invraisemblance, appauvrit aussi la portée pédagogique de la SG dont le prinèipal intérêt est, jùstement, de faire approcher le réel par l'imaginaire. - Un environnement imaginaire En jouant sur le temps (antidater la fiction) ou l'espace (ailleurs que sur terre), on peut faire inventer un environnement complètement imaginaire : un immeuble intergalactique, une station orbitale rurale, un hôtel sous-marin. A l'inverse de la première option, il faut alors éviter de faire référence à un monde connu, s'écarter résolument du réel en autorisant le rêve et l'utopie. L'invention est linguistique L'invention, source d'idées neuves, passe par le plaisir de la découverte, mais stimule aussi l'apprentissage de la langue. La recherche de réalisme s'appuie sur la prise de connaissance de données multiples. Le plus souvent authentiques, ces documents, s'ils sont exploités pour les informations qu'ils contiennent, se révèlent être aussi de véritables réservoirs linguistiques. On y découvre du vocabulaire nouveau ; on s'en inspire pour fournir aux élèves les matrices discursives qui leur permettront de répondre à ces textes par leurs propres textes. Ainsi, d'un dépliant touristique, on tirera des données géographiques, historiques, mais on dégagera parallèlement les moyens linguistiques de la valorisation : superlatifs, adjectifs ou substantifs mélioratifs, etc. En SG, le document authentique a toujours cette double fonction : base de

14 données, il délivre de l'information ; modèle linguistique, il fournit des formes lexicales et des schémas discursifs. Les productions langagières, écrites ou orales sont donc toujours présentées et vécues comme authentiques. Quelques exemples tirés de L'immeuble : - Rédiger une petite annonce pour vendre un véhicule : marque, puissance, état du véhicule, kilométrage, prix ferme ou à débattre, coordonnées du vendeur. - Préparer et enregistrer un texte sur répondeur téléphonique: profession, caractère de l'auteur du message, contrainte de temps, etc. Ces activités, ne dépendant pas directement d'un programme linguistique imposé, se situent souvent hors des pratiques scolaires dominantes. Déterminées par la continuité chronologique de la fiction, elles développent des savoirs et des savoir-faire linguistiques qui répondent toujours à une nécessité contextuelle. Enfin, toute langue naturelle a aussi des potentialités combinatoires quasi illimitées qu'il faut, le plus tôt possible, explorer. La langue de l'apprentissage pourrait rester longtemps référentielle et instrumentale. Strictement ajustée à la connaissance du monde réel, elle sert une logique et une rationalité qui lui sont extérieures. La SG, dans la mesure où elle donne à construire et à vivre un univers inventé, opère un déplacement d'une langue purement dénotative à une langue qui, par les ressources de sa créativité interne, se prête à tous les jeux. La langue de l'invention a fréquemment, en outre, des effets itératifs. Ces répétitions contribuent, plus naturellement que des manipulations scolaires à vide, à renforcer la mémorisation de formes nouvelles. Les applications Il nous faut distinguer celles qui concernent la langue maternelle (LM) de celles qui se sont progressivement développées en langue seconde et étrangère (LS, LE). En langue maternelle La SG a pour principe de stimuler l'invention de mondes : un village, une île, un immeuble, un hôtel, une entreprise. Elle est ouverture, pour l'élève, sur ce monde : elle lui donne l'occasion de faire des recherches, de se documenter, de s'informer, de découvrir (par l'observation, la consultation de données), la signification de l'univers à créer. Parallèlement, elle lui permet d'acquérir des compétences dans plusieurs domaines spécifiques, autres que purement linguistiques. Retracer la vie d'un personnage à travers l'histoire locale, localiser et décrire un paysage, décrire une plante ou un animal supposent des savoirs historiques, géographiques, biologiques. La SG est donc résolument pluridisciplinaire. Ainsi, elle peut répondre à des besoins nouveaux en matière d'éducation. En France, la loi d'orientation du 10 juillet 1989 a redéfini la place des différents acteurs de l'institution scolaire française. L'ouverture sur l'extérieur, l'interdisciplinarité, la centration sur l'apprenant, la pédagogie par objectifs, le

15 projet d'établissement, la redéfinition des cycles d'apprentissage ou la réflexion sur les contenus de l'enseignement apparaissent comme de nouvelles priorités. L'introduction de la SG à l'école nous semble pouvoir répondre en partie à ces exigences nouvelles. De nombreuses expériences vont dans ce sens. Le cas de l'Alsace est tout à fait exemplaire. En Alsace, en effet, le milieu est plutôt dialectophone. On parle plus naturellement l'alsacien dans la vie quotidienne que le français. Les instituteurs, mais aussi les professeurs du premier cycle, ont donc beaucoup de mal à pratiquer des activités d'éveil, une pédagogie active passant par l'étude de milieu, dans un contexte dialectophone où l'utilisation du français paraîtrait forcée et artificielle. Dès le début des années 1980, nos collègues alsaciens se sont donc beaucoup intéressés aux premières SG mises au point au BELC7 : L'immeuble et lies. Des classes primaires, des sixièmes et des cinquièmes ont donc commencé à utiliser ces deux SG pour bénéficier, malgré l'absence de miHeu francophone, d'une pédagogie active centrée sur des démarches d'éveil. Les retours d'expérimentation, la réflexion entamée depuis, montrent bien que l'on peut pallier l'absence d'un environnement donné en le réinventant dans une autre langue, ici, la langue de l'école. Dans tous les cas où la langue de l'école n'est pas la langue maternelle, les SG ont toujours des effets positifs sur le statut de cette langue scolaire. Elle paraît moins imposée, moins artificielle, elle devient outil d'invention, facilitant ainsi l'accès au bilinguisme. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des lycées français à l'étranger. Il faut signaler encore d'autres utilisations : SES (Sections d'enseignement spécialisé), classes d'accueil, de remise à niveau, d'insertion et de soutien. Nous avons aussi des retours d'expérimentation du Village pour l'enseignement d'autres LM que le français. En Espagne par exemple, en Italie, au Val d'Aoste où l'on enseigne parallèlement l'italien et le français à l'école primaire. Enfin, les SG ont pu être également utilisées en LM en formation continue d'adultes. C'est ainsi que lies a pu être utilisée avec des formateurs en alphabétisation pour les sensibiliser à l'interculturel, au choc des cultures en situation de rencontre et d'échange. Deux groupes d'une vingtaine de personnes ont ainsi séparément inventé chacun leur île pour se rencontrer au bout de quatre jours. Même simulée et en partie ludique, la rencontre finale se révèle difficile et l'étrangeté... totale ! Cette expérience et celles qui ont suivi nous ont permis de tirer quelques conclusions : - il paraît possible de reproduire, volontairement, un peu comme en laboratoire une situation de rencontre en terre étrangère ; - les stéréotypes, quand ils sont nombreux et répétés, semblent avoir des effets d'homogénéisation, de mise à plat des différences ; - si des différences sensibles apparaissent dans la conception de l'univers physique (carte de l'île), elles semblent moins spectaculaires que 7 BELC : Bureau d'études pour les langues et les cultures, CIEP, 1 avenue Léon Jounault, 92311 Sèvres Cedex.

16 tout ce qui touche au social, aux codes culturels qui régissent les rapports entre individus ; - la nécessité, une fois ces signes reconnus, de les intégrer à la vie quotidienne, de pratiquer de nouveaux codes, peut avoir des effets psychodramatiques, surtout dans le cas de l'inversion systématique de ces codes; - l'inversion, quand elle est pratiquée par l'un des deux groupes, est en général assez mal perçue par l'autre, qui ne l'a pas utilisée; - des phases d'échanges sont vivement souhaitées après la première rencontre, mais les passages spontanés d'un groupe à l'autre sont relativement rares et ce sont les jeux qui, dans ces phases, impliquent le plus directement les participants. En affichant des priorités non linguistiques, les SG peuvent aussi déboucher sur d'autres expériences et servir de nouvelles finalités formatives. En langue étrangère Il nous faut faire une nouvelle distinction entre exploitations gé':_~ralistes et exploitations plus spécifiques ou plutôt professionnelles. L'appellation FSOS (français sur objectifs spécifiques) opposée à l'appellation FLE, plus généraliste, reste ambiguê. En effet, des objectifs généraux d'apprentissage, non déterminés par des exigences professionnelles n'empêchent pas d'aborder, en langue, des discours ou de faire acquérir des compétences spécifiques. • Programmes généralistes L'lmmeuble, lies, Le Cirque, Le Village ont été conçus pour répçmdre à des objectifs d'apprentissage plutôt larges : accès aux quatre compétences habituelles aux différents niveaux d'apprentissage. Au début des années 1980, cependant, le recours aux SG se fait plutôt avec des élèves de niveau moyen. Les utilisateurs attendent en fait que les élèves aient déjà une centaine d'heures d'apprentissage. Très peu d'entre eux osent à cette époque s'aventurer en apprentissage initial, avec de vrais débutants. En 1986 pourtant, on entame une réflexion sur l'utilisation possible de cette démarche en tout début d'apprentissage. L'enjeu est de taille : doit-on attendre ce probatoire linguistique d'une centaine d'heures ou peut-on inventer en apprenant, simultanément ? Plusieurs expériences sont alors menées. La plus aboutie, à l'Alliance Française de Paris en 1990, confirme nos hypothèses de départ et révèle de nouvelles potentialités méthodologiques : · - C'est la logique de l'invention qui en SG détermine une logique de la langue. Dans les manuels, même les plus récents, la démarche est souvent inverse. On part de la langue pour aboutir à la réalité. La langue à enseigner et à apprendre finit toujours par asservir la réalité. Dans une SG utilisée avec des débutants, les formes linguistiques apparaissent uniquement quand la logique de la découverte du monde les convoque naturellement. Ainsi, dans la construction progressive du paysage c'est l'indéterminé qui précède le déterminé. On voit d'abord des montagnes, une grande plaine, un lac et une rivière avant de s'apercevoir que la montagne, au nord, est en pente douce,

17 couverte de pâturages. Cette priorité nouvelle donnée à l'invention a des conséquences sur la programmation linguistique : il y a un lac, une montagne, une rivière et à l'ouest, il y a la mer. Il ne peut y avoir une mer, à moins d'en faire une mer .artificielle par exemple, le français imposant ici l'emploi du déterminé. C'est une forme figée qui vient perturber la belle ordonnance structurale mais, en SG, nous ne pouvons l'évacuer sous prétexte de cohérence paradigmatique, puisque nous donnons la priorité à la description d'une réalité exhaustive. - On procède par étapes en ne programmant que les formes lexicales et morphosyntaxiques strictement nécessaires à l'invention. La construction d'un paysage peut alors se faire très tôt, avec assez peu de moyens linguistiques au début, faisant alterner courtes phases d'apprentissage et phases d'invention: Conséquence de cette subordination de la langue au monde : les paradigmes ne sont jamais explorés en totalité ; ils font l'objet de regroupements lorsque tous leurs items sont naturellement apparus. - Priorité à la description du monde, donc retour du vocabulaire. Nos élèves manquent de vocabulaire, entend-on dire depuis quelque temps. Il est probable que l'importance donnée en début d'apprentissage à la communication orale, à la conversation, au dialogue ait eu, comme conséquence, une sensible déperdition lexicale. La conversation quotidienne est rarement l'occasion d'enrichir son vocabulaire. Avec 4 à 500 mots, on peut presque tout dire. En redonnant une place de choix à cette grande opération discursive qu'est la description, on favorise ce retour tant attendu du vocabulaire mais on en modifie aussi les critères de sélection. La valence et la spécificité l'emportent sur la fréquence. Est toujours fondamental ce qui est absolUment nécessaire à l'invention. En fait, le couple invention-apprentissage, sans bouleverser l'ordre méthodologique étàbli, sans permettre d'asseoir la SG comme une méthodologie à part entière, crée de nouvelles synergies, invite à réfléchir à certains rééquilibrages et à de meilleurs dosages. A d'autres niveaux d'apprentissage, la SG s'est bien installée dans les institutions et les programmes, et son développement pourrait être encore accru tant ses potentialités semblent répondre au besoin d'une méthodologie alternative, à la recherche actuelle (dans les projets et programmes européens par exemple) d'innovations dans le domaine des langues. Ainsi la SG s'adapte aussi aux objectifs d'un enseignement bilingue. Des témoignages et des expériences nous font penser qu'lles ou Le Village conviennent bien à l'année dite zéro ou encore préparatoire des programmes bilingues d'Europe Centrale. Dans tous les cas où l'on a initialement choisi de simuler une réalité donnée en préservant une certaine plausibilité culturelle, l'acquisition de la langue interfère forcément avec celle de savoirs autres que linguistiques et, dans une certaine mesure, de savoir-faire : - en programmant en amont, parallèlement à la langue, l'apprentissage de données géographiques, historiques, démographiques et mathématiques, biologiques, etc. Ainsi la SG procède par double apprentissage. On apprend la langue mais toujours autre chose que la langue ;

18 - en intervenant en aval sur des propositions non conformes à la réalité et en partant de· ces interférences culturelles pour, sans obligation formelle de rectification ou de correction, faire connaître cette réalité. Tous les utilisateurs s'accordent à reconnaître que la SG intègre, presque naturellement, un travail pluridisciplinaire très varié, non seulement au plan des contenus et des programmes mais également des démarches et techniques de travail. La plupart des SG sont ainsi des tremplins naturels à l'essentiel des activités et des domaines disciplinaires, qu'il s'agisse de sciences humaines, de la nature, ou de sciences exactes. La langue dévoile alors d'autres spécificités que ses fonctions pragmatiques et communicatives ; outil de la pensée, elle devient moyen d'accès à la connaissance. • Formation linguistique professionnelle Nous entrons ici dans le cadre de la formation initiale ou continue d'adultes. Il était légitime que les SG investissent également un des domaines les plus importants de la formation linguistique. Dans la mesure où les techniques de simulation sont déjà largement pratiquées en entreprise et en LM, l'.Jntroduction des SG devrait poser ici moins de problèmes institutionnels. On a donc vu se développer, à partir des années 1990, des SG qualifiées primitivement de fonctionnelles et destinées à la formation professionnelle ou préprofessionnelle : L'Hôtel pour le français du tourisme, La Confêrence internationale pour le français de la diplomatie, Le Congrès médical pour le français de la médecine et L'Entreprise pour le français des affaires. Ces quatre simulations sont encore au stade expérimental mais certaines d'entre elles prendront très bientôt une forme éditoriale8 . Elles ont toutes en commun la caractéristique, par rapport aux jeux d'entreprise, de vouloir maintenir l'équilibre entre le réel et l'utilitaire d'une part, l'invention et l'imaginaire d'autre part. Nous ne reviendrons pas sur les dangers, déjà évoqués, d'une pédagogie du poste de travail. C'est une conception réductrice au plan éducatif mais aussi au plan linguistique, car elle limite bien souvent la . formation linguistique à l'apprentissage plutôt mécaniste de phraséologies figées et de lexiques spécialisés. Une SG, pour être fonctionnelle, doit donc maintenir le tronc commun initial : décor, personnages, événements et les exigences d'exhaustivité, de continuité et d'intégration fondatrices du concept de globalité. Inventer une entreprise, ce sera d'abord inventer un nouveau produit ou un nouveau service, imaginer un mode de fabrication et de diffusion, concevoir et organiser une campagne promotionnelle, implanter une unité de fabrication, recruter du personnel, avant de gérer le quotidien. Des compétences particulières peuvent être à tout moment isolées dans cette création collective et travaillées séparément, même de façon intensive, mais, à aucun moment, la juxtaposition de micro-enseignements de ce type ne pourra constituer une SG. 8 La Conférence internationale paraît en juillet 1995 aux Editions Hachette. L'Hôtel suivra prochainement.

19 Les réalisations Simulations globales éditées On en dénombre trois, toutes généralistes : • L'immeuble Canevas d'invention, techniques d'animation et activités linguistiques spécifiques. - Objectifs : formation linguistique niveau moyen et perfectionnement FLM (primaire, collège), FLS, FLE. - Public : adolescents - adultes - Exploitation : 50 à 150 heures Le canevas n'est pas strictement ordonné. Certaines activités, classées par thème, peuvent être regroupées. 1. Construction de l'immeuble. 2. Décoration. 3. Fac-similés. 4. Jeux de rôles. 5. Romanesque (invention de personnages). 6. Observation. 7. Correspondance. 8. Curiosités. 9. Animation. 10. Romans. Pour orienter l'invention, l'auteur propose des contraintes spécifiques quatre étages, un magasin au rez-de-chaussée, une trentaine d'habitants (10 hommes, 11 femmes, 9 enfants), des animaux, le nombre total d'appartements. Mais les utilisateurs pourront modifier tout ou partie de ces contraintes en fonction de décisions initiales à prendre : immeuble parisien/de province, immeuble ancien/récent, etc. • Le Cirque Canevas d'invention, techniques d'animation et activités linguistiques spécifiques. - Objectifs: : formation linguistique au niveau moyen FLM (primaire) et FLE. - Public : enfants exclusivement. - Exploitation : 50 à 150 heures. Le canevas d'invention suit une certaine chronologie: 1. Numéros et tours. 2. Les gens du cirque (invention des personnages). 3. Un village nomade (construction du décor). 4. La ménagerie. 5. Dans les coulisses. 6. Hommes et animaux. 7. La vie quotidienne. 8. Le cirque en tournée. 9. L'avenir. 1O. Evénements et incidents (réservoir de cartes d'interaction chance ou malchance pour animer les jeux de rôles). L'ouvrage se présente comme un cahier d'invention à compléter par l'élève. • lies Canevas d'invention, techniques d'animation et activités linguistiques spécifiques. - Objectifs : formation linguistique au niveau avancé et perfectionnement (primaire, collège), FLE, FLS. - Public: enfants, adolescents, adultes. - Exploitation : 50 à 150 heures.

20 Après avoir fait naufrage, les participants arrivent sur une île qu'ils vont devoir inventer de toutes pièees. Le canevas est donc chronologique. 1. Exercices d'entraînement. 2. Le naufrage.3. Arrivée sur l'île. 4. Carte de l'île. 5. Faune, flore, climat. 6. Matrices de résolution de problèmes. 7. Installation. 8. Echanges 1 : offrandes. 9. Une civilisation disparue. 10. Organisation. 11. Religion, rites, célébrations. 12. Echanges 2 : ambassades. 13. Tabous. 14. Jeux, sports et loisirs. 15. Morale et valeurs. 16. Usages et protocoles. 17. Echanges 3 : joutes et concours. 18. Evénements, incidents. On peut travailler à cette simulation avee un seul groupe ou avec plusieurs groupes simultanément. Simulation globale : Le Village La SG Le Village a connu plusieurs développements en FLM ou en FLE. Sa version définitive proposera un canevas général d'invention, des techniques d'animation et des activités linguistiques spécifiques, sans préjuger d'un niveau de langue, ni d'un public déterminé. Cette conception modulaire permettra d'adapter cette SG à des situations d'apprentissage nombreuses et variées. • Idées de canevas Certaines tournent autour de la thématique du voyage. Citons dans l'ordre alphabétique : L'autocar, voyage organisé d'une quinzaine de jours et découverte d'une région touristique française ; Le camping, ses joies, ses peines, petit vademecum du tourisme nomade; La croisière, ou le huis clos maritime. D'autres abordent la littérature: La commémoration, ou comment célébrer dignement la disparition d'un auteur français ou francophone fictif. Les auteurs ont choisi Jean de Parla, bien connu des amateurs de polar ; Le procès de Montaigne mêle littérature et jurisprudence9 • Bien d'autres thèmes semblent avoir été abordés et expérimentés par des collègues explorateurs: la frontière,l'agence matrimoniale, le bureau des objets trouvés, la planète bleue,l'île grammaticale, etc. Nous ne disposons pas, malheureusement, de références éditoriales précises. SG fonctionnel/es Déjà citées : • La Conférence internationale et ses variantes Canevas d'invention, techniques d'animation, activités linguistiques spécifiques, documents. - Objectifs : àcquisition de techniques de prise de parole, d'une phraséologie et d'un le'xique spécialisés, production d'écrits nécessaires pour participer à une manifestation de ce type. Entraînement, à l'exposé oral et à la discussion. • 9 Cf. Charrière 1986.

21 - Public: Fonctionnaires internationaux ou diplomates en formation initiale ou en activité. (niveau minimal requis : 300 heures de français). Durée: de 16 heures (4 demi-journées) à 36 heures (5 jours) Pour chacune des variantes proposées, le canevas comprend deux grandes phases : 1 Planter le décor ( mise en place du cadre géopolitique, détermination du thème, etc.). 2 Vivre la conférence. Les auteurs partent d'une analyse de documents authentiques produits dans ce type de conférences et en fournissent les schémas discursif. • L'Hôtel Canevas d'invention, techniques d'animation, activités linguistiques spécifiques, recharges lexicales, matrices discursives, documents. - Objectifs : Formation initiale ou continue au français du tourisme et de l'hôtellerie (niveau minimal requis: 150 heures de français). Public: adolescents ou adultes en formation professionnelle. - Durée : de 15 à 50 heures. Le canevas comprend cinq grandes étapes: 1. Implantation, construction et description de l'hôtel. 2. Invention d'identités fictives: personnel et clients. 3. Animation: à la réception.au salon, dans les étages,à la caféterie, au seèrétariat. 4 Evénements. 5 Dix ans plus tard10 . • L'Entreprise Canevas d'invention, techniques d'animation, activités linguistiques spécifiques, documents. - Objectifs : formation initiale ou continue au français des affaires (niveau minimal requis: 200 heures de français). - Public : Jeunes adolescents ou adultes ayant une compétence générale de base en français avec ou sans expérience professionnelle. - Durée : 60 à 100 heures. Le canevas d'invention se développe en trois étapes : 1 Le projet d'entreprise : qu'est-ce que l'entreprise ? le produit, l'implantation, la création, l'installation. 2 La gestion du personnel : le marché du travail, l'organigramme et le recrutement, le service du personnel.3 Le fonctionnement de l'entreprise : relations avec les organismes extérieurs, le département des ventes, la mercatique, les marchés internationaux, épilogue : le bilan d'activités. Les SG, dans leur forme actuelle, n'ont besoin d'aucun équipement technologique lourd. L'archivage des productions se fait de manière bien artisanale : un classeur, des fichiers. Tout le vocabulaire est classé au fur et à mesure dans l'autodictionnaire : une boîte en carton et des fiches. D'autres productions : posters, plans, dessins sont affichés sur les murs de la classe. 10 Pacthod, A. : L'hôtel. Paris : Hachette, à paraître.

22 Les perspectives : l'outil informatique Cette gestion encore rustique de l'invention collective ne résulte pas vraiment d'un choix délibéré. Dans les institutions qui avaient la chance de disposer d'équipements récents, tant en ce qui concerne l'audio-visuel que l'informatique, les enseignants ont déjà eu largement recours au magnétoscope et à l'ordinateur. Il s'agit là cependant d'utilisations ponctuelles qui n'ont jamais été réellement raisonnées. Grâce à la réflexion et aux travaux engagés dès 1990 par Michel Jannot, nous sommes aujourd'hui en mesure d'associer plus étroitement l'informatique à la gestion d'une SG. L'ordinateur, qu'il soit dans la classe ou dans une salle spécialisée, peut rendre de précieux services. Il gère soigneusement les productions et les contrôles. A l'avenir il pourrait même, en pilotant un système multimedia, dispenser, sous forme de banques de données, les informations dont se nourrit l'invention 11 . L'ordinateur gère l'invention C'est un support plus commode que le tableau noir 9u le papier. L'un des programmes mis au point par Michel Jannot dans son didacticiel, permet de construire un paysage sur écran. Les élèves remplissent progressivement de rouge (relief), de bleu (eau), de vert (végétation), de jaune (cultures) une grille de 64 cases qui deviendra le paysage du village. L'ordinateur gère aussi des contraintes initiales de construction. Ainsi, si pour un paysage de type bocage l'on estime qu'il faut entre 12 et 18 cases bleues (eau), la machine fera respecter ces contraintes en affichant en cours de construction ; à la 19e case bleue: il y a trop d'eau, à la 64e case : il n'y a pas assez d'eau. Toutes les productions écrites peuvent être entrées en machine au fur et à mesure de l'invention et archivées dans un fichier que l'on peut interroger par la suite pour réactiver la mémoire collective et individuelle. L'ordinateur gère aussi les effets cumulatifs de ces contraintes initiales de construction. Le choix d'un type de paysage a, par exemple, des répercussions sur la répartition, lors de l'invention d'identités, des catégories socio-professionnelles. L'ordinateur pourra ainsi vérifier qu'il y a bien au moins un agriculteur dans une région de bocages. L'ordinateur contrôle l'invention Pour inventer vrai, quand le monde de référence a été initialement déterminé ainsi, il faut sans cesse confronter la fiction en train de se faire avec une réalité donnée. A partir d'un programme d'expertise de la vraisemblance, l'ordinateur peut évaluer le degré d'adéquation entre la fiction et ce type de réalité. Cette évaluation n'est jamais prescriptive. Elle ne dit ni oui ni non mais, invitant à la réflexion, à la résolution de problèmes, elle facilite l'accès à la connaissance. 11 C'est un aspect de l'invention que, faute de place, nous ne pouvons aborder ici. Il faudrait d'ailleurs lui consacrer une étude spécifique.

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