FOCAALE - Synthèse comparative de la recherche

22 L’immersion et les connaissances informelles des apprenants sont des sources premières d’étayage dans les apprentissages (Ferrari, 2008). Les objectifs et les situations de communication à traiter, les situations rencontrées dans leur vie quotidienne, sont les mêmes pour les personnes non scolarisées et scolarisées dans leur pays d’origine. C’est le cheminement pour y accéder qui diffère de celui proposé aux lecteurs avérés. Souvent les personnes qui n’ont pas été scolarisées et qui ne peuvent recourir à l’écrit dans leur quotidien ont développé des stratégies de mémorisation hyper développées. Nous sommes tombés au fil de nos lectures sur ce témoignage très touchant d’Alejandra Vergara Lopez, de l’université de Lyon, sur une immigrée espagnole dans les années 50, vivant en France : Son niveau de production et de compréhension de l’oral en français est tout à fait semblable à celui des bilingues lettrés issus de la même migration espagnole des années cinquante. Du coup, ce fut une vraie découverte le jour où on lui demandé d’écrire une adresse. Elle répondit qu’elle n’avait pas besoin de l’écrire, car elle se souviendrait. Elle a demandé si c’était loin du métro et a combien d’arrêts de chez elle. En nommant le quartier, elle a dit qu’il n’y avait aucun problème car elle se souvenait, puisqu’elle s’était mariée il y a quarante ans dans le secteur. Effectivement elle a retenu les coordonnées et a pu arriver sans problèmes à l’adresse indiquée. Tout en admettant sa condition d’analphabète, cette femme a fait preuve d’un excellent contrôle dans une situation qui pouvait être embarrassante. Devant son incapacité́ à pouvoir écrire, elle utilise son extraordinaire mémoire et ses expériences personnelles dans une manœuvre compensatoire précise31. Cela met en évidence l’importance de tenir compte des acquis. Il faut également tenir compte de ce tout ce qui ne l’est pas encore dont l’acquisition du sens de la lecture, l’ordre et l’organisation spatiotemporelle de l’écriture latine, la participation sociale et la culture de l’écrit, le processus d’abstraction et la conscience phonologique… Un développement de la conscience phonologique nécessaire à l’entrée dans le monde de l’écrit Il est nécessaire de travailler avec les personnes adultes non francophones non scolarisées l’oral et l’écrit en même temps, et de développer ainsi leur conscience phonologique. Pour les personnes les plus éloignées de l’écrit, « la prégnance du critère de scolarité aura neutralisé l’analyse des besoins à l’oral, notamment pour les publics non francophones, voués à la seulealphabétisation. On constate encore une focalisation directe sur l’apprentissage de l’écrit alors même que ces apprenants ne peuvent pas comprendre car leur compétence orale et leur conscience phonologique ne sont pas assez développées » (Mariela de Ferrari, 2008). La conscience phonologique est définie comme la capacité à percevoir, à identifier et à manipuler les mots dans une phrase et les unités sonores du langage, telles que la syllabe, la rime, le phonème. Il s’agit donc d’une sensibilisation aux différents sons de la langue française. 31 Alejandra Vergara López (2011). Stratégies de l'apprentissage d'une deuxième langue chez les analphabètes, dans Segundas Lenguas e Inmigracion, pp. 82-112

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