FOCAALE - État des lieux du projet
Le projet FOCAALE, Français Opérationnel et Contextualisé pour Adultes en Apprentissage de la Lecture-Écriture, financé par le programme Erasmus +, répond précisément au besoin urgent d’améliorer l’enseignement du français pour les adultes venus en migration peu ou pas scolarisés, en mutualisant les expertises et les pratiques existantes de trois pays francophones de l’Union Européenne : la France, la Belgique et le Luxembourg.
Deux états des lieux, un premier de la recherche scientifique et un deuxième des ressources pédagogiques disponibles, ont conduit à la rédaction d’une synthèse comparative dans laquelle nous avons mis en avant les avancées et les obstacles de l’enseignement du français aux adultes non lecteurs non scripteurs, tels que décrits par la recherche. Cette synthèse comparative a pour objectif de dresser un tableau de ce qui a été écrit sur l’acquisition des compétences de lecture et d’écriture en langue française par des personnes non-francophones peu ou pas scolarisées dans leur pays d’origine et par conséquent, généralement illettrées ou analphabètes dans leur langue maternelle.
A l’instar d’une note trouvée dans un document québécois datant de 2015, Apprendre à lire à l’âge adulte, nous utiliserons à plusieurs endroits du texte le féminin pour le mot « formatrice », ceci pour refléter l’apport important des femmes dans la prestation des services dans les centres de formation des adultes.
Quel est le public concerné par le projet ?
Dans le projet FOCAALE, le public concerné est celui des adultes immigrés non-lecteurs non-scripteurs.
> Répondre à des besoins spécifiques sans toutefois coller d’étiquette(link is external)
Le projet s’intéresse en priorité à des personnes qui nécessitent de développer simultanément les compétences orales et écrites.
De nombreuses questions se posent, liées à la constitution des groupes d’apprentissage et aux compétences à acquérir :
- Sur quels critères orienter les personnes ? Est-ce important de connaître le niveau de scolarité ? Et à niveau égal, les personnes auront-elles des compétences similaires ?
- Dès lors, faut-il plutôt se baser sur les compétences communes acquises ? Les compétences à l’oral ou les compétences à l’écrit ?
- Les catégories Alphabétisation versus Français langue étrangère sont-elles ici pertinentes ?
- Et plutôt que de catégoriser et de faire des groupes de niveaux, ne faudrait-il pas constituer des groupes, au sein desquels les personnes auraient des objectifs communs en fonction de leurs besoins spécifiques ? Quels sont ces besoins ? Comment les déterminer ? Comment, dès lors, gérer l’hétérogénéité des niveaux de départ ?
Grand nombre de ces interrogations sont soulevées dans les publications consultées dans le cadre du projet FOCAALE et ces questions animent également les professionnels sur le terrain.
La prise en compte des besoins est plus pertinente que la stricte logique de niveaux de langue. Pour les personnes ayant des compétences hétérogènes à l’oral et à l’écrit, il est tout aussi pertinent de les réunir sur base de leurs motivations et de leurs besoins. Plutôt que de catégoriser, il s’agit d’accueillir, de repérer, de discerner les personnes pour mieux discerner leurs besoins et y répondre.
Quels sont les matériaux pédagogiques efficients ?
Deux types de supports reflètent la tendance générale des pratiques : « d’une part, des supports authentiques utilisés pour repérer des indices porteurs de sens au niveau de leur énonciation, d’autre part des approches syllabiques décontextualisées ou rattachées à des énoncés créés pour utiliser le phonème ou la graphie présentée dans la leçon » (Mariela de Ferrari, 2010).
La littérature met en évidence les supports authentiques contextualisés, favorables à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture par les adultes. Les récits de vie sont également de bonnes ressources pour détecter les supports qui trouveront un réel intérêt de la part des personnes inscrites en formation.
Quelles sont les approches didactiques mises en valeur par la recherche ?
Il est important d’avoir, avec le public adultes, une approche différente de l’approche scolaire. C’est une des raisons pour lesquelles il est préférable d’entamer l’apprentissage directement avec du complexe (des textes, du discours) plutôt que du partir du simple (la lettre, le son, la syllabe) pour ensuite aller vers les textes. L’apprentissage de la lecture et de l’écriture est alors ici directement en réponse à des besoins. La recherche met aussi en évidence l’importance de la prise en compte des acquis des apprenants et de leurs stratégies cognitives, ainsi que la nécessité du développement de la conscience phonologique pour l’entrée dans le monde de l’écrit. Enfin, il est pertinent de fixer des objectifs réalistes et visibles.
Un point est fait sur les différents types d’approches avant d’aborder l'approche holistique, qui consiste à tenir compte de la personne dans sa globalité plutôt que de la considérer de manière morcelée dans une approche centrée sur un besoin en particulier, à savoir ici le besoin d’apprendre à lire et à écrire.Dans cette perspective d’approche holistique, l’accueil est un point de départ essentiel. Les acquis des personnes, leur histoire, leur culture doivent aussi être pris en compte. Les formatrices doivent faire le « pari de l’intelligence » en ce qui concerne les apprenants.
On ne peut considérer l’apprenant comme une personne déracinée, inculte, sans projet. Le migrant est un acteur social, porteur d’un projet migratoire. Or, les principales propositions de formation linguistique ignorent cette richesse. Elles ne prennent en compte que la seule vision de l’insertion dans le pays d’accueil. Elles ignorent la réalité sociale du migrant connecté.
Quels sont les obstacles à l’amélioration de l’enseignement du français pour les adultes venus en migration peu ou pas scolarisés ?
L’état des lieux de la recherche a permis d’identifier les obstacles communs rencontrés par les pays participants au projet FOCAALE. Les principaux manquements relevés à travers les articles consultés et repris dans l’état des lieux se situent au niveau de la formation des formateurs et de la recherche dans le domaine de l’acquisition des compétences de lecture et d’écriture par des publics adultes non francophones. Ce domaine a très peu fait l’objet d’études et il s’en ressent beaucoup de bricolage sur le terrain. Une professionnalisation est indispensable.
Le présent projet FOCAALE répondra à ce besoin de professionnalisation, grâce au développement de trois modules de formation destinés aux formatrices. Ces modules seront mis en ligne et en accès ouvert. Ils permettront à des formateurs (enseignants, bénévoles, etc.) qui interviennent auprès de publics non scolarisés, de se professionnaliser, d'étendre leurs compétences et de faire évoluer leurs pratiques. Par ailleurs, ces modules permettront également aux formateurs de s'approprier un matériel pédagogique élaboré par les membres du projet FOCAALE. Vingt fiches pédagogiques vont être élaborées, en direction de publics de niveau Infra A1 non scolarisés du Cadre européen commun de référence pour les langues (entre 120 et 150h d'apprentissage), ainsi qu’un guide pédagogique pour les formateurs. Ces outils d'apprentissage cibleront plus particulièrement l’acquisition des compétences en lecture et écriture. L’apprentissage respectera une progression adaptée à des adultes étrangers non-scolarisés allophones d'un niveau minimum A1 à l'oral. Les compétences acquises seront immédiatement transférables dans les situations de la vie quotidienne essentielles à l'inclusion sociale (documents administratifs, bornes automatiques, sites internet, téléphones portables). Il s'agit de consolider les compétences de compréhension et production écrites attendues en tant qu'acteur social, usager et citoyen. Les vingt fiches pédagogiques correspondent à vingt compétences actionnelles en lien avec des situations de vie en immersion comme : utiliser une borne automatique pour acheter un titre de transport, envoyer un SMS pour prévenir d'une absence ou d'un retard. Tenant compte de la dimension culturelle et interculturelle, les objectifs d'apprentissages et les supports utilisés seront contextualisés dans chacun des pays participant au présent projet (Belgique, France et Luxembourg). Les activités d'apprentissage s'appuieront sur les compétences plurilingues des apprenants. Les compétences visées seront complexes et actionnelles et l'apprentissage sera donc basé sur une progression en spirale permettant d'intégrer l'auto-évaluation dans le déroulement des activités. Les activités d'auto-évaluation permettront de valider les compétences acquises dans chacune des fiches. La somme des auto-évaluations permettra de mesurer l'impact de cette démarche d'apprentissage sur l'inclusion sociale des apprenants. Le projet utilise comme principal référentiel le CECRL afin que les apprentissages s’intègrent dans des suites de parcours telle qu’une formation à visée d’insertion professionnelle par exemple. Le cadrage pédagogique utilisé est une démarche actionnelle éprouvée depuis 2004 à l’échelle du territoire français : les ateliers sociolinguistiques qui visent une transférabilité des savoirs et compétences acquises dans les situations de vie quotidienne.
Créer des liens, des passerelles entre la proximité personnelle avec l’écrit et les activités pédagogiques proposées, voilà tout l’enjeu de ces formations à destination des adultes, pour qu’ils puissent prendre leur place de citoyen et d’acteur du monde de demain, où qu’ils se trouvent.
Ce projet est financé avec le soutien de la Commission européenne.
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